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le péril bleu

qu’on apprit qu’en France le Conseil des ministres allait se réunir pour délibérer avec l’Académie des sciences, — mesure éminemment salutaire que tous les États du globe se proposaient d’imiter.

Nous rappellerons en peu de mots la séance française mixte, cette assemblée historique, — modèle des parlements futurs, en attendant que les personnages scientifiques aient remplacé complètement les politiciens.

Elle s’ouvrit à l’Élysée, le mercredi 11 septembre, et commença par une dispute. (Compte rendu officiel, pièce 843.)

Reflétant la conviction nationale, qu’il partageait, le ministre de la Guerre proposa d’examiner sans ambages les moyens les plus sûrs, expéditifs et radicaux, de détruire les continents sus-aériens. Il ajouta qu’il importait de le faire au plus tôt, avant que les Sarvants n’eussent construit de nouveaux aéroscaphes. Il parla de mortiers colossaux et de projectiles explosifs, — et se vit couper la parole.

Le ministre des Colonies l’interrompait et lui demandait de quel droit bombarder ce pays qu’on pourrait sans doute, avec le temps, conquérir, annexer peut-être et, à tout le moins, ratifier d’un protectorat. Le pire qu’il s’autorisait à prévoir, c’était le massacre des indigènes, encore qu’il eût été préférable, à son sens, de les asservir. Mais dévaster de fond en comble la terre invisible ? Jamais ! Il devait y avoir là-haut des richesses irrévélées fort appréciables. Pour son compte, il caressait l’espoir que la France, un jour, s’augmenterait de cette belle possession plus étendue que toute la surface qu’on voit aux mappemondes.

Le physicien Salomon Kahn voulut alors intervenir. Mais le ministre du Travail entra dans la discussion.

Après un compliment ironique à l’adresse de ses deux collègues — les ayant admirés d’avoir, pour une fois, montré chacun l’esprit de son département, et s’étant félicité de ce que le ministre de la Guerre eût été belliqueux et le ministre des Colonies colonisateur — il annonça qu’il allait, lui, ministre du Travail, faire entendre les phrases qui auraient dû sortir de la bouche