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De profundis clamavi



Sitôt parus, les journaux du matin furent enlevés. On s’attendait à lire d’abondantes explications sur le phénomène des grands boulevards, les feuilles du soir l’ayant relaté la veille en termes confus et déraisonnables. On eut la déception troublante de n’acheter avec les meilleures gazettes qu’un surplus d’incohérence et de contradictions. Elles donnaient un compte rendu passable de ce qui s’était produit au Grand-Palais, mais elles faisaient suivre cette information — déjà très affolante — de commentaires ineptes et d’éclaircissements de haute fantaisie. Dans l’esprit exalté du public, tout ce qui concernait l’aéroscaphe devint à peu près juste, mais la notion du monde superaérien demeura ténébreuse et larvaire.

L’instinct du peuple l’avertit qu’il se passait des gravités. Paris fermenta. Les magasins furent déserts.

Des foules assiégeaient les ministères tour à tour, sans savoir auquel il fallait recourir en l’occurrence. On imaginait, de la part du gouvernement, des cachotteries, des feintises, un parti pris de silence. On voulait la vérité ; sur la cadence des lampions, devant la Chambre des Députés, cent mille personnes la réclamaient.

Un questeur, délégué, vint prier M. Le Tellier de vouloir bien instruire la Nation.

Vers quatre heures se fit la distribution gratuite d’un Journal officiel imprimé à la hâte et renfermant les communiqués de l’astronome (pièce 821).