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le péril bleu

ayant mis ses gants, arracha du corps un autre arachnide invisible qu’il eut l’inspiration d’enduire de colle forte additionnée d’encre rouge. Tout englué de sécotine pourpre, le petit monstre surgit, sanglant et gélatineux… Il était d’une hideur si insupportable à qui savait les abominations de l’aérarium, qu’on le jeta par la fenêtre. Appesanti de son fardeau poisseux, il monta lentement vers les étoiles, — vers le monde sus-aérien, — et se perdit bientôt dans la nuit fallacieuse, traîtreusement fleurie de lumières exquises.

L’aveugle, courageux, palpait derechef la dépouille du Sarvant, et ses mains agiles semblaient alors deux araignées à cinq pattes, vivant d’une vie propre, et qui s’activaient à leur tâche de mystère.

— « Cette forme humaine ! » radotait le docteur. « Mais pourquoi ? Pourquoi donc ? »

— « J’ai trouvé ! » annonça tout à coup M. Le Tellier. « Nous sommes en face d’un phénomène de mimétisme ! C’est un moyen de défense ! une ruse de guerre ! Quand elles se sont vues en notre pouvoir, ces araignées ont pensé que nous respecterions des êtres semblables à nous, et de là vient qu’elles se sont agglutinées de manière à figurer des hommes ! Mimétisme purement instinctif ou mimétisme raisonné, — en tout cas : mimétisme ! »

Trois exclamations n’en firent qu’une seule.

— « C’est ainsi, mes enfants ! Et voilà pourquoi les chambrettes de l’aéroscaphe sont à ce point menues. Comparées à la taille des matelots qui les habitaient, ce sont de grandes salles. L’aéroscaphe, pour les Sarvants, est un ample paquebot, proportionné non pas à l’équipage, mais au gibier qu’il était chargé de poursuivre et d’emporter. »

— « Nous ne sommes plus des goujons, docteur, » fit le duc d’Agnès, « nous sommes des cachalots. »

— « Faible consolation, monsieur. Cependant, j’avoue que… de misérables nains… tout araignées qu’ils soient… »

— « Uuuuh ! Des nains diantrement habiles ! Des araignées fichtrement cultivées ! L’aérarium, docteur, dans ces conditions, quel monument ! Un aquarium pour baleines ! »