Page:Renard - Le Péril Bleu, 1911.djvu/291

Cette page a été validée par deux contributeurs.
290
le péril bleu

31 août.

Il importe que mon journal — qui contient à présent toutes les indications nécessaires — parvienne sans délai à M. Le Tellier ou à quelque autre capable d’en tirer parti. Si l’on me vivisèque, si l’on me dissèque seulement, le cahier sera perdu. Si je reste, idem. Si l’on m’asphyxie avant que j’aie pris mes précautions, idem. Mais si je meurs dans ma cellule, ayant sous mes habits le cahier rouge, on me précipitera tel quel. C’est la seule façon dont je puisse être utile à Marie-Thérèse.

§ Je n’ai plus de couteau ; je n’ai rien qui puisse me servir à bloquer les clapets. Je dois donc les maintenir moi-même.

1er  septembre.

J’ai lâchement hésité toute la nuit. Quoi ! j’abandonnerais ici Marie-Thérèse ! Et je l’abandonnerais pour toujours !… C’est aussi une mort épouvantable… Il y a encore ce passage dans le vide, qui va déformer mon pauvre corps…, et cette chute à laquelle on ne peut penser sans frémir, même pour son cadavre !…

Marie-Thérèse ! si je pouvais revoir encore une fois ne serait-ce que votre chevelure blonde ou le bas de votre robe grise !… Mais voilà longtemps que je n’ai vu ici ceux que je connais. On les a remis à leur place primitive, derrière cette muraille humaine. Je ne reverrai pas Marie-Thérèse.

2 septembre.

J’attacherai le cahier sous ma chemise, bien sanglé avec ma ceinture.

6 heures du soir. — Il y a eu trop de grincements. J’ai eu peur d’être guetté, arrêté dans ma tâche, et mis dans l’impossibilité de recommencer.

§ Le givre se verra tout de suite, dès le début,