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le péril bleu

15 juillet.

Nous avons de nouveaux camarades : 4 hommes emmitouflés de peaux.

Près de la statue d’Anglefort (le jardinier Watteau) une nacelle de ballon, des agrès, une enveloppe flasque et déchirée où je vois des lettres, un nom qui est caché à demi par un pli de la soie gommée : LE SYL… Le Sylvain probablement.

§ Je n’éprouve plus aucune surprise à voir les gens suspendus en l’air, ni les choses marcher toutes seules. Le ciel d’encre et ses astres excessifs, la couronne dégradée de la mer aérienne, tout m’est indifférent ; le sort de mes codétenus m’est égal. Et pourtant, quelle horreur de cauchemar, cette exposition de mes semblables ! Ici, j’ai compris pourquoi les cabinets de cires m’ont toujours tellement répugné : c’est qu’ils évoquent la pensée d’un musée d’hommes.

§ Les bêtes elles-mêmes ont l’air désespéré.

17 Juillet.

Entre autres objets, cette nuit a enrichi l’aérarium d’une branche d’acacia. Or, cette branche ne cesse pas de s’agiter. Un invisible canif l’incise, la fend, la scrute méthodiquement de l’écorce à la moelle.

18 juillet.

Plus de ballons.

§ Henri Monbardeau a quitté la cellule de la paysanne pour une autre où je ne puis l’apercevoir. Le mauvais sort a voulu que dans tous ces changements Mlle Marie-Thérèse restât derrière la masse des individus. Les traitements qu’elle peut subir m’inquiètent plus que jamais.

§ Je l’ai vue, je crois. Ces cheveux blonds à chatoiements argentés ne peuvent être que les siens.

§ D’après les espaces vides entre les internés, on peut construire assez facilement l’architecture de l’aé-