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fin du journal

manger, sans que nous puissions nous en apercevoir. C’est aussi la nuit qu’on nettoie nos cabines… Trouvé, à mon réveil, des carottes et ma ration d’eau.

En fouillant l’aérarium avec ma jumelle, j’ai découvert au rez-de-chaussée la soute aux provisions — un tas de légumes volés aux potagers de la Terre — et puis la citerne d’eau très pure, venue d’une source du Colombier ou peut-être extraite goutte à goutte de la mer atmosphérique.

§ Quel horrible troupeau parqué nous faisons !… Mille détails immondes… Maison de verre où l’on ne peut s’isoler. Et puis, la peur a tué la pudeur…

§ Vers 11 heures, entre les bandes d’humus, aperçu comme une petite pilule bientôt disparue. Ce ne peut être qu’un ballon.

§ Ayant sorti mon revolver pour l’examiner, que de regards suppliants j’ai vus m’implorer !… Les uns me tendaient le front comme une cible, un autre ouvrait sa chemise et me montrait la place de son cœur… Savent-ils seulement si les balles de mon browning arriveraient jusqu’à eux ?

§ Les Sarvants, que peuvent-ils être ?… Hanté par cette question.

§ À 3 heures 30, encore vu un ballon évoluer en bas. Dirigeable. Il devait être extrêmement haut, car je le voyais assez bien dans ma jumelle. Qu’est-ce que cela signifie ? Aurait-on aperçu la macule, et les hommes s’efforcent-ils de s’en rapprocher ?

§ Ces heures de désœuvrement, au bruit berceur des clapets, sont désespérément longues. Je me creuse la tête à propos des Sarvants…

Ces êtres du vide, où nul liquide n’est possible, ne peuvent pas avoir de sang ! Ces gens invisibles et secs !… Ils doivent être plus différents de nous autres hommes que ne le sont les habitants d’une planète fantastiquement éloignée de la Terre mais qui serait, comme elle, dotée d’une atmosphère… La substance de