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suite du journal

échiquier, — en les voyant rester là au lieu d’accourir vers la façade, je compris que chacun avait une petite chambre séparée.

On m’arrêta presque au milieu. Quelque chose qu’on accrochait fit retentir le dessus de ma cabine ; des grincements crissèrent tout autour ; et de nouveau je m’enlevai, rasant les plantes, puis les rocs, puis les bêtes.

À l’étage des hommes, arrêt brusque. On glissa ma cellule sur le plancher de l’étage, et je devinai que maintenant elle était incorporée à la masse du bâtiment et qu’elle n’était plus qu’un cube rempli d’air, juxtaposé à d’autres cubes semblables, chacun contenant son homme ou sa femme. Tout près de moi, dans le compartiment voisin, un jeune garçon me contemplait, et tous mes frères terriens étaient tournés vers moi, apparitions que rien ne soutenait, semblait-il, campés paradoxalement dans du néant, pâles et sombres à la fois, sales, repoussants, avec des figures d’asile, d’hôpital ou de prison.

Je cherchais Mlle L. T. dans leur foule dispersée… Je ne reconnus personne à ces physionomies de cauchemar… Il n’y avait là que des victimes, assurément. — Les Sarvants n’étaient pas visibles, eux non plus !…

C’est là que je suis encore.

Mon voisin est manifestement un jeune Anglais, imberbe, hagard, vêtu comme pour le golf. Cueilli en voyage ? en excursion ?… Lui et moi nous sommes sur l’alignement de prisonniers qui suit la façade, — qui a l’air de constituer la façade. Une autre ligne, parallèle. Puis une autre. Et d’autres encore. Il doit y avoir des couloirs entre les lignes de cellules invisibles. Le rang de la façade s’arrêtait à l’Anglais quand je suis arrivé ; je l’ai allongé d’un cube, moi dernier venu. Les premiers arrivés, on les a alignés tout là--