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suite du journal

la nouvelle cabine où je comprenais bien qu’on m’avait transvasé après l’avoir superposée à la première, voici ce que je découvrais :

Une surface horizontale s’étalait au loin, de tous côtés, absolument nue et calme. Elle décrivait autour de moi, à l’horizon, l’immense circonférence de la pleine mer, et au-dessus d’elle le firmament était une coupole noire où les astres brillaient à outrance, tous, et tous fixes. Et dans ce ciel ultra-nocturne, pareil à celui qu’on verrait de la lune ou de quelque astre sans atmosphère, le soleil, sans rayons, déclinait, large disque précis. La surface neigeuse de cette mer luisait argentine vers l’horizon ; mais plus elle était près de moi, moins elle luisait et plus elle devenait diaphane, idéale, fantomatique ; elle finissait par disparaître ; sous moi, je n’avais que l’abîme de 50.000 mètres, sans que rien s’interposât entre lui et mes yeux, et cet abîme était plein de lumière.

Je me trouvais à la surface d’un océan de clarté, ou plutôt d’atmosphère, — un océan dont on voyait le fond : la Terre, avec les algues de ses forêts, les bancs de ses montagnes. Je venais d’émerger dans un milieu mortel, à la surface d’une mer atmosphérique ; et cette mer n’était autre que la première couche, la fameuse première couche, qui ne s’achevait pas graduellement, par une progression raréfiée, comme la science l’avait supposé à bon droit, — mais qui s’achevait tout d’un coup, net, comme une mer véritable. Si contraire que cela fût aux propriétés expansives des gaz, les deux atmosphères se superposaient comme deux liquides de densité différente ; et à présent le vide horrifique m’environnait.

Dans mon nouveau récipient, même température et même pression que tout à l’heure ; même bruit de clapets. Je m’aventurai à palper l’invisible case, et je la trouvai cubique et exiguë ; je pouvais toucher le plafond.