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le péril bleu

d’atmosphère aspirée, ni dans un fluide magnétique, mais dans un monte-charge invisible, mû par une force ignorée, un vase clos où la pression et la température étaient maintenues égales à celles d’en bas, où par conséquent le baromètre et le thermomètre indiquaient toujours les mêmes chiffres… Et tout à l’heure, quand la glace avait fait son apparition, quand j’avais défailli, — la cause ? Une panne ! Une simple panne de cette organisation !…

J’en demeurai quelque temps assommé… Toutefois, nous autres astronomes, nous ne saurions nous émerveiller longtemps à propos d’une invisibilité quelconque[1], et, si admiratif que je fusse d’un pavillon, d’une logette, qui, après tout, n’était pour mes yeux que ce qu’un véritable ascenseur a toujours été pour mon nez, c’est-à-dire imperceptible ; qui n’était pour mes yeux que ce que l’oxygène, par exemple, a toujours été pour eux, c’est-à-dire invisible : mais qui pour mes mains était bel et bien dur, poli, tournant et froid, et qui, heurté du doigt, sonnait à mes oreilles ; — cela ne m’empécha pas de sécher ma jumelle avec mon mouchoir, afin de regarder la macule carrée où l’ingénieuse benne allait sans aucun doute me déposer. Assurément, la benne, on la hissait de là-haut (car, à de telles altitudes, il ne pouvait être question d’aérostats, même gonflés d’hydrogène pur, et encore moins de plus lourds que l’air). Drisses invisibles ? Courant hertziens ? Attraction aimantée ? L’un ou l’autre. — C’était de la macule qu’on m’expédierait dans une planète…

Je raisonnais comme cela, et je me trompais. Plus j’avais monté, plus s’était accentué vers le sud l’écart de cette macule, qui se présenta sous l’aspect d’un carré

  1. Cette phrase traduit une pensée que M. Le Tellier exprimait déjà, bien que diversement, au chapitre x, et qui a de quoi surprendre le lecteur. La suite dissipera ces ombres passagères.