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suite du journal

— « Remarquez, » acheva-t-il, « ce vent coulis que nous sentions, nous ne le sentons plus ! La chose l’intercepte. Nous serons à merveille, pour lire le journal de Robert, à l’abri de ce paravent singulier… »

Il ouvrit le cahier rouge.

Ses auditeurs se rassemblèrent.

M. Le Tellier s’adossa paisiblement au vide et reprit sa lecture da capo.

Il revit la formation du cylindre de glace autour de Robert éperdu montant vers le zénith, puis la disparition du bocal inattendu ; enfin il répéta cette phrase du mémoire où l’avait arrêté la clameur populaire :

— « … C’est alors que je voulus reprendre ma jumelle pour observer cette macule. Mais je me rappelai qu’aux premiers instants de ma pâmoison elle s’était échappée de mes mains. J’en ressentais une forte contrariété, quand, à ma profonde stupeur, je l’aperçus près de moi, baignant dans une mare d’eau circulaire où j’étais moi-même affaissé, — un grand palet liquide, imprévu, de 4 mètres de diamètre environ, absolument comme l’eau visible d’un tub invisible. Cette flaque ronde m’emportait comme le tapis de la fable persane. J’y prenais un bain de siège forcé, mais je bénissais l’illusion de support permettant à mes yeux de se reposer sur quelque chose et me délivrant ainsi du vertige. — Au travers (car elle était claire et paisible) la Terre indéfinie pâlissait.

Je compris que cette eau provenait de la fonte du cylindre. Et puisqu’elle était là, ronde et plane autant qu’une meule, c’est qu’il y avait sous elle un invisible plancher qui nous supportait, elle, moi et ma lorgnette. La glace — pardieu ! — s’était formée à l’intérieur d’un cylindre matériel, permanent, mais invisible, une tourelle-ascenseur à l’aide de quoi les habitants de cette macule carrée enlevaient leurs prisonniers jusqu’à eux ! Je n’étais ni dans une colonne