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le péril bleu

Le duc d’Agnès savait bien qu’il s’agissait d’une chose invisible, — il n’en fut pas moins surpris de ne rien voir.

Il reconnut dans le groupe le docteur Monbardeau et M. Le Tellier qui causait avec le préfet de police.

— « Enfin, » disait ce dernier, « si vous y tenez absolument, lisez-le. »

— « C’est indispensable », repartait M. Le Tellier. « Je demande instamment que personne ne touche à l’objet avant que nous ayons pris connaissance de tout le journal. Cela nous évitera sûrement des anicroches et peut-être des accidents. »

— « Soit », accorda le préfet de police. Et s’adressant aux officiers : « Messieurs, faites déjeuner vos hommes », dit-il.

Les voix, aigrelettes d’abord, s’amplifiaient de résonances caverneuses et tonitruantes qui éclataient aux angles de l’architecture.

— « Ha ! monsieur ! » fit l’astronome en apercevant le duc. « Venez ! qu’on vous félicite ! et qu’on vous raconte une histoire ! »

Le jeune vainqueur sourit des félicitations, et manqua pleurer au récit de l’histoire, qui lui apprenait la mort de Robert Collin. Mais ce qui l’intriguait en premier, c’était la chose invisible, cette chose qui l’avait ballotté si rudement au-dessus du Pavillon de Hanovre.

— « Où est-elle ? où est-elle ? » disait-il.

— « Tenez, » indiqua M. Le Tellier, « marchez droit devant vous, sur ce pilier de fonte ; vous la rencontrerez. » Puis, sur le ton du secret, il ajouta dans un murmure : « Vous savez, il y a une espèce d’hélice, à l’arrière ! »

M. d’Agnès marcha les bras en avant, comme celui qui est dans le noir ou qui est aveugle, et s’en alla donner contre la chose dure, lisse, froide et qui, pour son regard, n’existait pas. Alors M. Le Tellier lui montra dans la poussière une empreinte aplatie, de forme naviculaire, semblable au cachet ogival des prélats ; il lui dit que cela était causé par le fond, la base, l’appui de cette étrangeté ; et il lui montra, tout autour, de pauvres petits pierrots qui, en volant, étaient venus se briser la tête contre ce rempart insoupçonnable.