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le journal de robert

donnement proverbial s’approcher, descendre vers moi.

Le grésillement des sauterelles était aussi fort que lui. Il avait l’air loin. Je regardai en l’air, mais ne vis rien. Mon cœur faisait plus de bruit que les Sarvants et les sauterelles. Le moment si attendu m’effrayait. J’avais bien l’idée de certaines choses, mais vague. Je savais que j’allais être emporté en l’air, très haut (j’étais vêtu en conséquence de vêtements tout ce qu’il y a de plus chaud). J’attendais l’impression du pompage ou de l’attraction qui allait m’enlever vers un ballon ou un autre engin caché dans la distance, lorsque je me sentis happé brutalement par derrière, au torse, et soulevé comme par une poigne gigantesque, dure, violente.

Gestes fous. Tentative pour me retourner vers l’agresseur. Peine perdue. Je me débattis. Pendant ce temps, ce qui me tenait me tira en arrière, à soi, et me lâcha. Seulement, je ne tombai pas. Il y avait entre mes pieds et le sol un espace de quelques centimètres. Un claquement inexplicable retentit. Le bourdonnement prit de l’importance et fut compliqué d’autres sons, mais c’est tout ce que j’entendais ; plus de sauterelles ni rien autre. — Alors j’essayai de me sauver, maudissant ma témérité, fou de peur. Mais incontinent je me heurtai à une résistance, à une rigidité sans aspect. Je bondis dans le sens opposé : même rempart. Comme si un hypnotiseur m’avait ordonné de croire qu’il y avait toujours devant moi un obstacle ; comme si l’air s’était solidifié autour de moi tout en restant aussi transparent. Je crus vraiment à de la suggestion, surtout à cause du soulèvement, qui me rappelait des expériences de spiritisme taxées de fraudes jusqu’alors.

Tout ceci : une seconde.

Puis, soudaine, une force incalculable venue d’en bas — montée inexorablement déchaînée de je ne sais