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l’amorce

trez ! Ils vont vous prendre aussi. Ils vous guettent. Vous n’entendez donc pas le bourdonnement ? »

Halte ! Le bourdonnement ! c’est vrai ! Chacun l’entendit alors… Mais qu’est-ce qui le produisait ?… Les regards faisaient le tour du bois environnant ; c’était la seule cachette où l’on pût soupçonner l’embuscade du Sarvant.

— « Mais on ne voit rien ! » dit M. Le Tellier. « Sont-ils dans le bois, Maxime ? »

— « Vous ne pouvez pas comprendre ; mais obéissez-moi. Nous n’avons pas de temps à perdre en commentaires… Obéissez, n’approchez pas… On ne peut rien voir, mais ils me tiennent quand même. Je suis là comme un appât… une amorce pour attirer les gens…, parce que depuis quelque temps ils ne peuvent plus en capturer… Vous comprenez ? Alors, n’avancez pas. Si vous m’aimez, faites qu’ils me remportent seul ! »

Un cri sourd accueillit cette prière, et Mme Le Tellier regagna follement le château. Plusieurs servantes, fort émotionnées, la suivirent. On distingua leurs colloques effarés et les exclamations de la malheureuse maman qui fuyait. « Ils vont le remporter ! ils vont le remporter ! Oh ! ils vont le remporter ! Oh ! Oooooh !… »

M. Monbardeau raisonna :

— « Écoute Jean : pour moi, ton fils exagère. Réfléchis ! On ne voit rien, que diable ! et il n’y a pas de nuages !… Maxime doit être pris dans un fluide électro-magnétique, dont la production cause le bourdonnement, — un fluide gouverné du haut de la tache. Rappelle-toi, c’est une hypothèse de ton cru, l’aimant animal. Seulement, suis-moi bien : les Sarvants n’ont jamais enlevé plus de trois personnes à la fois. Je suis sûr qu’en nous mettant à cinq, avec ensemble…, en nous précipitant sur Maxime, — toi, moi, le jardinier, ton chauffeur et le cocher… Oui ? Ça va, Jean ? Ça va, Célestin ? Clément ? Gauthier ?… Attention, alors ; je vais compter trois. À trois, nous chargeons sur M. Maxime, et nous le portons au château. Un… Deux… Trois ! »

Le docteur avait pensé juste : le Sarvant n’était pas en mesure de prendre d’un coup cinq personnes. L’équipe de sauvetage parvenait à moitié chemin du prisonnier