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le péril bleu

Tous trois (on aurait dit trois damnés échappés de l’Enfer !) tous trois, instinctivement, avaient levé la tête. On ne voyait rien, — rien que du bleu, — le bleu du Péril. Rien, sinon quelques oiselets — des passereaux, des martinets — dont tout le sang n’aurait fait qu’une seule de ces gouttes.

Le docteur :

— « Est-ce là le phénomène connu sous le nom de « pluie de sang » et que produiraient des particules contenues dans l’eau ?… »

Pauvre docteur ! pourquoi faisait-il de l’érudition tandis que ses lèvres balbutiaient ? Pour se rassurer lui-même, ou bien pour rassurer M. Le Tellier ?… Et pourquoi le pauvre astronome se crut-il obligé de répondre, entre ses dents qui claquaient :

— « Non, non ; il n’y a pas de nuage ; il n’y a pas de pluie. D’ailleurs, une ondée ne se serait pas limitée à si peu de chose… »

À travers son lorgnon replié, servant de loupe, M. Monbardeau examinait la souillure garance qui séchait au dos de sa main.

— « C’est bien du sang, » dit-il au bout d’une minute, « du vrai sang, — qui ne se coagule pas très normalement, je l’avoue, — mais du sang tout de même ! Rentrons, je ferai l’analyse et… et je te dirai si c’est… du sang d’homme ou d’animal… »

— « Je m’en doute un peu que c’est du sang ! » murmura M. Le Tellier. « Mais avant de rentrer et de faire l’analyse, qui est intéressante, je voudrais consigner quelques remarques, ici, avec votre témoignage à tous deux.

» Regardez les gouttes de la capote : elles sont allongées en forme de points d’exclamation. Cela se justifie par le mouvement de l’automobile pendant qu’elle recevait cette douche. — Maintenant, venez par ici… Regardez les gouttes sur le sol : ce sont des étoiles dentelées comme des molettes d’éperons. — Si vous songez qu’il ne fait pas le moindre vent, il vous sera facile de conclure que le sang est tombé perpendiculairement à la terre et d’un point immobile situé au zénith du lieu d’arrivée. »

— « De la tache carrée ! » assura M. Monbardeau.