Page:Renard - Le Péril Bleu, 1911.djvu/208

Cette page a été validée par deux contributeurs.
207
un message de tiburce

D’accord ; mais, s’il vous plaît, avant le Sylphe, aucun ballon non plus n’avait été assailli ; avant l’Antoinette 73, aucun aéroplane ; et vous noterez que si le Sarvant ne prenait plus de terriens, c’était uniquement faute d’en trouver à sa portée, hors des maisons et à l’intérieur de l’incompréhensible cercle cabalistique dont il semblait ne pas vouloir franchir le tracé. Il y avait donc beaucoup de chances, au contraire, pour qu’il se jetât sur la grande automobile blanche qui sortait chaque jour de Mirastel, s’arrêtait devant toutes les portes, et ainsi s’offrait aux coups d’un agresseur que l’impatience devait enhardir.

Sous la capote de toile traversée de soleil, un jour — le troisième du mois d’août — le docteur et l’astronome devisaient. La voiture, venant du château, allait entrer dans Talissieu. Le médecin se plaignait de la chaleur et de la sécheresse qui ne désarmaient pas, de la pestilence qu’on respirait sans trêve ; il exprimait ses craintes au sujet d’une épidémie probable, quand il cessa de converser pour s’ébahir :

— « Tiens ! il pleut ! C’est raide ! »

De larges gouttes tombaient sur la capote ; on les voyait par transparence. M. Monbardeau tendit sa main grande ouverte à l’extérieur, et, faisant un cri, la retira mouillée d’un liquide rouge…

— « Arrêtez ! » commanda son beau-frère. « Tu es blessé, Calixte ?… »

— « Non : ça vient de tomber ! »

— « Quoi ! Pas possible ! »

On mit pied à terre devant les premières maisons du village, en face de la croix et non loin du ruisseau.

Plusieurs gouttes ensanglantaient la capote et le marchepied-trottoir. D’autres rougissaient la poussière en amont, où l’automobile avait passé dans l’averse de pourpre.

Le mécanicien écarquilla des prunelles arrondies.

— « C’est-il pas des oiseaux qui se battent en l’air ? » dit-il. « Ça s’est déjà vu. »

— « Non, non, voyez ! » répondit son maître.