Page:Renard - Le Péril Bleu, 1911.djvu/203

Cette page a été validée par deux contributeurs.
202
le péril bleu

monter chez les Sarvants. Il promit secrètement de fabuleuses primes d’altitude, et sollicita par lettres personnelles les compétences de toute nation et de toute race.

Ces lettres parvenaient aux destinataires les plus contrastants, sous des toits blancs de neige ou brûlants de soleil ; à la même seconde, celui-ci recevait la sienne à l’automne et celui-là au printemps. Après l’avoir lue, chacun se mettait à la besogne. De petits hommes jaunes se courbaient sur des papiers soyeux et peignaient de délicates géométries ; de grands hommes blonds, la craie à la main, s’approchaient d’un tableau noir. Et tous, ils dessinaient une même figure, — cette coupe : une circonférence représentant le tour de la Terre, puis une autre circonférence plus vaste et concentrique à la première, qui délimitait la couche atmosphérique au-dessus de laquelle on ne trouve plus que le vide presque absolu. Sur cette deuxième ligne, le pinceau ou la craie posait un point : la tache, — puis tirait une droite du point jusqu’à la Terre, dans la direction du centre : la distance à franchir.

« 50 kilomètres ! » songeaient les savants.

Et alors, se rappelant la teneur de la lettre et ce qu’on leur demandait d’inventer, ils secouaient la tête. Et celui-ci disait un mot bref et rauque, celui-là doux et long, tel autre mélodieux, et tel autre encore guttural. Mais tant de paroles diverses avaient un sens unique, et il n’était si médiocre jargon qui ne possédât le terme opportun ; car dans toutes les langues, en dépit des proverbes, l’adjectif impossible a son équivalent.