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le péril bleu

casques respiratoires, on dépassa les suprématies où d’illustres martyrs avaient trouvé la mort. On surmonta 10.800 mètres. Ce fut le record.

Le plus habile était donc resté à plus de trente-neuf kilomètres de la tache ; et il n’avait déterminé qu’un vague carré sombre, quadrillé, formé de rectangles opaques et de lignes transparentes qui étaient tout bonnement des solutions de continuité entre les parallélogrammes. Par instant, ces lignes se bouchaient partiellement d’un point obscur…

Tout cela, on le savait déjà.

On savait bien aussi que monter plus haut ne se pouvait pas. Mais telle est l’ardeur des sportsmen, qu’ils essayaient tout de même de réaliser l’impossible performance.

Il fallut la catastrophe du Sylphe pour les refroidir.

Le Sylphe, gros sphérique de l’Aéronautique-Club, parti du camp de la Valbonne, fut poussé vers le Bugey par une brise assez fraîche. Il gagna tout de suite une altitude considérable ; néanmoins, on le suivit quelque temps. À la lorgnette, il était loisible d’apercevoir les quatre voyageurs — deux astronomes et deux aéronautes — occupés de leurs observations. La nuit vint. Le ballon disparut… On ne devait pas le revoir. — Il n’atterrit nulle part. Des automobiles fougueuses parcoururent la zone épouvantée, où peut-être il était tombé. Elles ne trouvèrent pas le Sylphe. Les Bugistes reclus, interrogés à travers les portes closes, répondirent qu’ils n’avaient rien noté de terrible depuis des jours. Comme ils ne sortaient plus, le Sarvant, faute de gibier, semblait renoncer à la chasse.

(Ici, les automobilistes auraient pu s’étonner de ce que les Sarvants n’étendissent pas leur cercle de ravage au delà d’un territoire dépeuplé… Mais ils ne s’inquiétaient que du Sylphe.)

Le lendemain de leur rentrée, plusieurs ascensions furent décommandées. Une stupeur consternée pesait sur les hangars. On placarda l’ordonnance des comités prohibant l’usage du ballon libre et prescrivant de ne prendre l’air qu’avec des aéroplanes, des hélicoptères ou des aéronats ayant fait leurs preuves de souplesse, d’endurance et de promptitude.