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le péril bleu

À la suite de ce rapport, on voulut appliquer une nouvelle tactique défensive. Mais les fonctionnaires délégués en Bugey n’y restaient pas une semaine. Cet enfer avait raison des meilleures volontés, des pires ambitions, des bravoures les plus éprouvées.

Toute la terre alors surveilla le Bugey. C’était un point gangrené dont elle suivait avec effroi l’horrible épanouissement. Tel un incurable qui, la sueur aux tempes, couve des yeux son chancre envahissant, le monde entier contrôla sans répit les progrès du cancer français. La presse internationale tournait au bulletin sanitaire. — San-Francisco ne souriait plus.

Toute la terre surveillait le Bugey, et tout le Bugey surveillait le ciel. D’un bout à l’autre du pays, cela seul importait. On se moquait de tout, excepté de cela. L’engraissement des porcs, la vendange à venir, les foins à faner, les seigles florissants, la température propice ou défavorable, les querelles municipales, — chacun s’en désintéressait. La fortune et la misère ne comptaient plus ; la politique avait perdu son importance ; une guerre pouvait survenir ; une invasion menacer la patrie ; le Péril Jaune pouvait fondre sur l’Europe ; — qu’est-ce que cela faisait ?

Un souci méritait seulement l’inquiétude. Un seul danger valait d’être écarté : — Le Péril Bleu.