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le péril bleu

Hélas ! ce n’est encore qu’une espérance ! Cependant, voici :

Hier, mon chef de construction, le pilote Bachmès, s’est abouché avec un ingénieur qui prétend avoir découvert un moteur fonctionnant par l’électricité atmosphérique… Capter le potentiel de la nature, puiser la toute-puissance des volts à même sa grande source, c’est la chimère depuis longtemps poursuivie, vous le savez ; c’est la dépense abaissée à presque zéro ; c’est la machinerie réduite à un poids négligeable ; c’est surtout la vitesse miraculeuse.

Si l’invention n’est pas une flibusterie, si vraiment il suffit, pour faire tourner une hélice, de caler sur son axe un transformateur de courant, — nous achetons le brevet. Et nous construisons sur-le-champ.

Ce sera vite fait, je pense… Mais « vite » ! Qu’est-ce qui est vite lorsqu’on est anxieux !… Que deviennent les disparus ?… Trente-quatre Jours !… Où est Mademoiselle Marie-Thérèse ?… Ah ! cher Monsieur, comme je voudrais être à mon poste de vedette aérienne, et savoir où, comment, qui et pourquoi !

L’attente : quelle chose terrible ! Je passe mes journées aux ateliers de Bois-Colombes… En ai-je fait d’inutiles expériences !… Et rester là ! piétiner, avec la conscience du temps perdu !… Le croirez-vous ? j’envie parfois le sort de Tiburce ! Lui, au moins, possède un but précis, pour vain que soit ce but, et s’emploie sans cesse à l’atteindre. Il a le soulagement de l’action… Mais la cruelle déconvenue qu’il se prépare, l’entêté ! — Je vous adresse ci-inclus un câblogramme de lui, que je viens de recevoir. Ce n’est pas les premières nouvelles qu’il m’envoie. Il m’a déjà expédié un marconigramme, en plein Océan, le lendemain de son départ et simplement pour me l’annoncer. Depuis, je n’avais rien reçu. Tant de niaiseries en si peu de mots, peut-être cela vous plongera-t-il dans un étonnement qui vous fera oublier, une seconde, la précarité de notre situation. C’est, par malheur, le seul avantage que nous puissions retirer de la dépêche ci-jointe.

Je vous prie, cher Monsieur, de vouloir bien faire agréer à Madame Le Tellier et à… Etc.

François d’Agnès.

P.-S. — Une effervescence considérable règne dans tous les chantiers de constructions aériennes. Dans ceux de l’État notamment. On y cherche l’appareil approprié à cette nouvelle destination : la poursuite d’aviateurs insaisissables par leur rapidité. Cependant, on prête à certains le projet insensé de partir en reconnaissance au-dessus du Bugey avec les appareils actuels, tout à fait insuffisants. On cite Santos-Dumont en