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encore le dirigeable

— « … Car il est derrière le nuage », continua Maxime. « C’est son ombre portée que nous apercevons. Ce n’est que son ombre sur une volute. Ils se croient invisibles. Ils ne se doutent pas que leur ombre les trahit… Allons ! reconnaissez que j’avais raison ! »

— « Oui, oui… en effet », dit Robert avec plus de politesse que de sincérité.

— « Ah ! voici l’ombre qui pâlit parce que le vent s’élève et que la volute se désagrège… Ce n’est plus rien. »

Une rafale tempétueuse s’engouffra dans la rotonde. Les papiers, tourbillonnant, s’éparpillèrent. Le frisselis des bois fut pareil au bruissement d’une mer inattendue. Les arbres, tout blancs de feuilles rebroussées, se courbaient au souffle de l’Est. Des volets battirent avec fracas. Des trombes de poussière couraient le long des routes. Un éclair direct fêla le ciel épais, et les nuages se mirent en branle.

Maxime, les cheveux au vent, épiait si la fuite du cumulus n’allait pas découvrir l’aéronat, ou si les corsaires ne jetaient pas de lest pour monter plus haut que la tourmente… Mais le dirigeable était parti sans employer ce moyen-là.

Et voici que le décor devenait lui-même tragédie.

La magnificence des éléments déchaînés se magnifiait encore de tous les mystères qu’on y sentait.

Le tonnerre roula ses grondements, qui parurent le vacarme des nuées roulant pêle-mêle vers un but inconnu.

Et, le tableau se trouvant achevé, un second éclair traça, d’un zigzag, le paraphe de l’ouragan.