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le péril bleu

— « Ça marche, vos planches à l’aquarelle ? »

— « Pas mal », dit Maxime, en sortant d’un carton plusieurs de ses œuvres. « Oh ! ce n’est pas du van Ostade, ni du Jan Steen… Cela suffit, voilà tout. — Mais, pour l’instant, j’ai cessé de portraiturer les poissons. »

— « Ah ! ah ! la dissection ! »

— « La dissection, un peu, oui, mais accessoirement et à propos d’une autre étude très captivante… — Mais je vous ennuie, Robert ? »

— « Pas du tout ! »

— « Vous allez comprendre. C’est pour le Muséum d’Océanographie de Monaco. Je voudrais machiner un aquarium où les poissons des grandes profondeurs vivraient normalement. Nos chaluts vont bien les saisir à plus de neuf mille mètres de fond ; mais la décompression et surtout le brusque changement de température les détériorent et les font crever. Je cherche à construire un vivier clos, où la pression et la température se maintiendraient. Vous voyez : je suis en train de gribouiller un dispositif de pompes… Mais ça n’est pas commode… L’invention serait grosse de conséquences. Pensez donc ! Reconstituer le milieu vital de ces êtres si lointains ! Pouvoir observer leurs habitudes véritables ! Dans l’ombre où la cuve resterait plongée, les voir s’illuminer de phosphorescences multicolores, comme dans la nuit éternelle des régions sous-marines ! »

— « Ah ! c’est cela que vous cherchez ! » dit Robert.

Mais Maxime se méprit sur le ton vif de cette interjection. Il s’imagina que Robert lui reprochait de ne pas s’employer à d’autres besognes, plus urgentes…

— « Oui, c’est cela », répondit-il en rougissant. Et il s’excusa : « … J’ai cherché aussi à pénétrer le mystère des disparitions… Seulement, vous savez, là-dessus j’ai mon idée. Nous serons fixés sous peu par les ravisseurs eux-mêmes : les gens de l’auto-ballon. »

— « Vraiment ? Vraiment ? » faisait Robert, complètement absorbé dans une rêverie.

— « Ah çà, Robert, soyez franc ! Vous êtes là qui tergiversez, qui parlez de tout et de rien… Qu’avez-vous à me dire ? »