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xvi

Encore le Dirigeable



Entrez !… Ah ! c’est vous, Robert. Salut ! »

— « Bonjour, monsieur Maxime. »

— « Votre Seigneurie dans mon laboratoire ! c’est un événement !… Qu’est-ce qui vous amène, ce matin ? »

Robert, visiblement distrait, se récria sans vigueur :

— « Oh ! un événement !… » Et il s’exclama : « Quelle température, hein !… Une chaleur pour la saison… »

— « Il va faire de l’orage. »

Et Maxime, attablé devant un croquis de mécanique, se remit à le griffonner, en se demandant ce qui lui valait la visite du secrétaire.

Les trois fenêtres de la rotonde étaient ouvertes à deux battants, mais il faisait si chaud qu’elles n’arrivaient pas à créer le moindre courant d’air. Un chaos de nuages plombés encombrait le ciel tumultueux comme un ciel de bataille, immobile comme un ciel de tableau. Sous lui, les choses de la terre prenaient des reflets de cendre. La plaine, toute hérissée de peupliers, semblait, au port d’armes, attendre quelque chose de mémorable ou quelqu’un de suprême. — C’était un beau décor pour une tragédie.

À l’intérieur du laboratoire, un soleil malade blêmissait la luisance des aquariums et des vitrines. Les poissons — très éclairés, afin que le peintre Maxime fût à l’aise pour en saisir les mille nuances — gardaient la pose et somnolaient dans le sommeil de l’eau.