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le péril bleu

lampe et s’approcha de la porte — au moment où Mme Arquedouve émergeait de l’ombre…

Elle avait une figure de l’autre monde, et elle jeta d’une voix grise ce cri d’alarme :

— « Les Sarvants !… Encore ! Ils reviennent !… »

Ç’avait été une clameur terrible et singulière, comme un hurlement chuchoté.

— « Ils viennent ?… » répétait M. Le Tellier.

— « Tonnerre de Dieu ! » jura Maxime. « Nous n’avons plus de phare ! »

Mais, sans perdre une seconde, Robert avait soufflé la lampe, et les deux tabatières découpaient maintenant deux rectangles de ciel qui semblaient s’éclaircir peu à peu. Maxime comprit la manœuvre ; il sauta sur la caisse contenant le générateur, il introduisit son buste dans une lucarne, et releva contre la toiture le châssis vitré.

Robert, à l’autre tabatière, opérait le même branle-bas. Ils découvraient chacun la moitié de l’étendue ; tout se trouvait donc à la merci de leur pénétration. Il faisait noir, cependant. Mais, dans un rayon d’une centaine de mètres, un homme — ou quelque chose de volume égal — ne pouvait leur échapper.

Entre eux, derrière eux, dans l’obscurité du grenier, ils entendaient trembler Mme Arquedouve, et derrière eux, entre eux, au pinacle de la coupole, grincer par instants la girouette de fer forgé.

Le bourdonnement de phalène venait d’éclore… Où ?… Partout, à ce qu’il semblait : à droite, à gauche, en l’air, au fond des poitrines…

Comme la veille, ils regardaient la nuit de tous leurs yeux, — leurs faibles yeux d’animaux diurnes…

L’étable, l’écurie, le poulailler s’éveillèrent. La bergerie sanglota…

Le clair-obscur leur paraissait tour à tour éblouissant, puis foncé jusqu’à devenir opaque…

Dans le lointain (?) le Sarvant bourdonnait.

Robert sentit une brise lui caresser le front, et il redoubla de vigilance.

Maxime également sentit la brise…

Et la girouette grinça… Mais, au lieu de grincer une fois pour toutes, il advint ce prodige admirable qu’elle