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les sarvants à mirastel

Et elle s’accroche au bras de son gendre.

— « Les voilà ! Je les entends… Je les sens, plutôt !… »

Déjà Robert s’est élancé et se précipite vers la tour du projecteur.

— « Fermez les fenêtres ! » gémit Mme Le Tellier qui arrive blanche comme une morte.

— « Non ! » riposte Maxime. « Il faut tâcher de voir… d’entendre… Chut !… »

— « Si nous montions à la tour ? » fait M. Le Tellier.

— « Non… Pas le temps… Chut, chut !… »

Ils écoutent. Ils sont tels que des figures de cire dans un musée. Ils entendent Robert monter quatre à quatre l’escalier de la tour ; ils entendent rire du côté de la cuisine… un train siffler… le va-et-vient du loulou… Sauf Mme Arquedouve, nul n’entend quelque chose au delà de ces bruits. Et pourtant ils scrutent de toute leur âme la nuit, que rend plus impénétrable le contraste des feuillées lumineuses… Ils voudraient écouter avec leurs yeux… Mais les ténèbres sont les mêmes pour leurs prunelles et pour leurs oreilles.

— « Écoutez ! » chuchote l’aveugle. « Les voilà tout près maintenant… »

Ils n’entendent rien.

Si : un mugissement. Si : un hennissement. La ferme s’est réveillée. Les canards poussent dans la nuit des can-cans effrayés, comme si le renard ou la belette s’approchait ; et voici les poules qui font entendre un gloussement prolongé, comme lorsque l’aigle plane au-dessus d’elles… Les brebis entonnent un chœur de lamentations déchirantes… Une angoisse règne parmi les animaux. Et Floflo, qui s’est arrêté, grogne tout à coup.

Mme Arquedouve a levé le doigt, et dit :

— « Les bêtes aussi comprennent. Elles entendent aussi. »

Il se fait alors un silence momentané… Et enfin, des profondeurs de ce silence, tout le monde entend venir le bourdonnement.

C’est l’arrivée d’une grosse mouche, ou mieux : d’une phalène. Oui, c’est le bourdonnement de la phalène suspendue au-dessus des fleurs où plonge sa longue