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sinistres

Dans la nuit du 14 au 15, Artemare y passa. (Les Sarvants, on ne sait pourquoi, sautèrent un hameau, deux villages et trois châteaux, dont Mirastel.) Et l’on enregistra la perte de Raflin, l’ancien amoureux de Fabienne d’Arvière. Le pauvre homme, encore malade, traversait sa cour clopin-clopant lorsqu’il fut appréhendé. Sa vieille mère était folle de peur et redoutait qu’il ne prît froid, à cause qu’il n’avait sur lui qu’une robe de chambre.

Dans la nuit du 15 au 16, quittant la route et poussant une pointe au sud, le Sarvant pilla Ceyzérieu, sur la côte, en face de Mirastel, par delà le marais. Puis il revint à la route, malmena Talissieu où il s’empara d’un poulain nouveau-né, raccourcit de sa pointe ornementale une tourelle de Châteaufroid, et chaparda quelques lapins dans un cuveau de métairie.

Le 17, le docteur Monbardeau reçut la lettre suivante, qui le mit au désespoir et prouvait, d’autre part, que le fléau s’étendait plus avant qu’il ne semblait, c’est-à-dire jusqu’à Belley. Cette lettre était de Front, l’amant de Suzanne Monbardeau.

(pièce 239)

   Monsieur Monbardeau,

Bien que nos relations aient toujours été plus que tendues, je me vois dans la triste obligation de vous faire part de ce qui m’arrive.

En revenant hier d’une course de quinze jours, je n’ai plus retrouvé votre fille chez moi. Elle s’est défilée à l’anglaise avec un joli cœur quelconque (puisque je sais qu’elle n’est pas rendue chez vous) et à la faveur de ces prétendues disparitions dont les suppôts du pape remplissent le département. Car vous ne voudriez pas que j’y croie ? Votre fille est une coquine. Je n’ai pas pu avoir de renseignements sur sa fuite, la maison où je lui ai fait l’honneur de la recueillir étant à distance du bourg. Voilà ce que c’est d’avoir un tempérament de[1]…, mais j’ai cru devoir vous en avertir, à cette fin que

  1. Mot biffé par le Dr Monbardeau.