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préliminaire

de ce qu’on nomme, plus ou moins justement, les Terreurs de l’An mil neuf cent douze. »

— « Comment ! » m’écriai-je au comble de la surprise. « Vous voudriez que… »

— « … ce soit vous qui fassiez ce travail. »

— Vous me faites beaucoup d’honneur… Mais, en vérité…, monsieur, avez-vous réfléchi… C’est une chose… énorme ! Le sujet n’est pas à ma pointure… D’abord, je ne suis pas un historien… Un historiographe, tout au plus. Mon œuvre, bien modeste, se borne à quelques monographies… Tenez, quand vous êtes arrivé, précisément, je m’occupais… »

— « Je sais, monsieur, je sais. »

— « Et puis, gardez-vous bien de me croire un savant ! Je raconte, à la bonne franquette, de petits épisodes anormaux ; c’est tout. S’il me fallait expliquer scientifiquement cette gigantesque aventure… Mais, d’ailleurs, est ce que cela n’est pas déjà fait ? Est-ce que plusieurs de vos confrères n’ont pas… »

— « Monsieur. » trancha mon interlocuteur, « on n’a point écrit là-dessus d’ouvrage populaire, et c’est un ouvrage populaire dont je souhaite la publication. Pour des raisons que la lecture de ces documents vous fera clairement saisir, il est bon, — il est même de la plus grande utilité, — que tout le monde connaisse et comprenne ce qui s’est passé l’année dernière. Si je m’adresse à vous, (monsieur, n’en prenez pas ombrage) c’est justement parce que vous n’êtes pas un homme de science, ou du moins pas un spécialiste. Vous n’accumulerez pas, vous, dans votre récit, de ces termes techniques et de ces locutions professionnelles qui rendent imperméables aux esprits du commun la plupart de nos rédactions. Moi qui vous parle, j’ai tenté sans y réussir cette tâche à quoi je vous convie. La cause de mon échec est simple : je ne saurais parler qu’une langue trop juste, inaccessible aux masses à force de propriété, bref une langue obscure à force de lumière aveuglante… Ne rougissez donc pas de « l’honneur », comme vous dites, puisque c’est votre ignorance qui vous le procure, et non votre savoir. »

— « Excusez-moi, » repris-je en dissimulant quelque mauvaise humeur, « mais parviendrai-je à décrire un