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le maître de la lumière

Il vit le maître entrer dans l’allée de la vigne ; les serviteurs le saluer avec un empressement respectueux, qui a bien disparu de nos mœurs. Puis un solide gaillard, qui semblait commander aux autres, fit approcher une vieille femme en bonnet, toute courbée sous les ans, et Charles comprit qu’il expliquait à César quelque chose au sujet de cette vieille. En effet, César tendit une bourse rebondie à la pauvre femme, qui se mit à lui baiser les mains, tandis que Pitt et Cobourg s’évertuaient, chacun à sa façon.

La scène de l’aumône fut pour Charles un trait de lumière, car (il s’en souvenait fort bien) César, dans ses écrits, avait consigné cette largesse faite par lui a une vendangeuse digne d’intérêt, lorsqu’il était sur le point de quitter Silaz pour Paris.

Il en résultait que ce jour automnal, si merveilleusement conservé et restitué par les plaques rétrospectives, était un des derniers jours du mois de septembre 1829.

À ce moment, Charles s’aperçut que le soleil s’était levé sur le présent comme sur le passé et que commençait une nouvelle journée du mois de septembre 1929.

Un siècle, juste, séparait les deux matinées qu’il contemplait en même temps.