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détails. Ce que je peux certifier, c’est que, depuis plus de trente ans que je suis au service de votre famille, M. Charles, le vitrier n’a fait aucune réparation dans la petite chambre haute.

— Tiens !… médita Charles. Aussi bien, en y réfléchissant, on arrive à conclure, en effet, que ces panneaux ont dû être placés là du temps même de César Christiani. Mais alors, il faut admettre que, soudainement, ils ont cessé d’être opaques, pour devenir tels que nous les voyons, c’est-à-dire révélateurs d’une époque consommée…

— « Rétroviseurs », osa le chauffeur Julien, comme les miroirs qu’on adapte aux automobiles pour voir derrière la voiture, pour voir le chemin parcouru…

Charles sourit :

— Ce ne doit pas être tout à fait ça. Car notre passé ne me semble pas pouvoir être observé directement, du moins par nous-mêmes.

— Naturellement, dit Julien : puisqu’il n’existe plus.

— Si, dit Charles. Le passé existe toujours dans l’ordre de la lumière, dans l’ordre de l’optique ; mais jusqu’ici, notre passé à nous, habitants de la Terre, n’avait pu tomber sous nos propres regards. Cela ne l’empêche pas de s’éterniser visuellement, comme tous les passés où règne la lumière. Ainsi, quand nous regardons les étoiles, c’est leur passé que nous voyons. Car la lumière, malgré sa rapidité de trois mille kilomètres à la seconde, met cependant des années pour nous parvenir de l’étoile la plus proche, autrement dit pour nous envoyer l’image de cette étoile. Si bien que nous ne voyons jamais, au firmament, que les étoiles telles qu’elles brillaient il y a dix, vingt, cinquante, cent ans, selon la distance qui nous en sépare, et non pas telles qu’elles brillent au moment où nous les contemplons.

« En somme, trouva-t-il après un silence, ces carreaux agissent exactement comme si la lumière mettait, à les traverser, autant de temps qu’elle en met à franchir d’immenses espaces célestes. Tout se passe comme s’ils étaient des condensés d’espace, des comprimés de distance… Je crois que c’est là dans ce sens qu’il faut chercher la solution de cette merveilleuse énigme, — quelle