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le maître de la lumière

bureau invisible et, de nouveau, on ne vit plus que le haut de la bibliothèque et la muraille.

Dire que Charles y comprenait quelque chose serait fausser la vérité. Il allait de supposition en supposition, et rien ne l’incitait à s’arrêter plutôt à l’une qu’à l’autre. Le seul point net de ses pensées était relatif à la conduite des opérations : il avait fermement résolu d’attendre, sans piper, la sortie du mauvais plaisant, afin de savoir où il irait et ce qu’il deviendrait après avoir quitté chambre haute, puisqu’il en sortait régulièrement vers minuit.

L’attente fut longue. L’homme ne se montra qu’une fois avant son départ, pour marcher de long en large, toujours dans ce silence truqué qui finissait par devenir impressionnant.

Le moment vint, néanmoins, où, reprenant la mauvaise lampe ancienne, il passa la main dans sa chevelure ébouriffée, comme un veilleur las de sa veillée, et, jetant vers la fenêtre un regard qui semblait un peu ironique, il étendit son bras libre vers le bouton de la porte qu’on ne voyait pas.

— Attention ! dit Charles, tout bas.

Et ils se plaquèrent tous deux contre le mur.

Instant assez critique, ambigu, troublant. Au vrai, ils avaient perdu, un brin, le sens de la réalité. Et, dans le fin fond de leur âme, ils n’étaient pas trop sûrs de la forme des événements. Quelqu’un allait sortir de la chambre, descendre les quelques marches de l’escalier, entrer dans le grenier, passer devant eux ou s’éloigner dans la direction des autres galetas… Cela se ferait sans bruit, comme dans un rêve, et il était désagréable de prévoir cette marche fantomale…

En attendant, rien ne se produisait. Très évidemment, l’homme mystérieux avait éteint sa lampe, comme Claude l’avait annoncé ; cela, on s’en doutait. Mais personne ne se dressait dans l’ouverture, au bas de l’escalier. Personne ne traversait le clair de lune qui dessinait sur le plancher l’ombre noire et blanche des lucarnes avec leurs croisillons.

Au bout d’un certain temps, Charles revint à son premier poste d’observation, s’attendant à revoir de la lu-