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sa réussite. Il était doué, au demeurant, d’un physique ouvert et riant qui légitimait bien des sympathies. Non qu’il fût beau, à proprement parler ; heureusement pour lui ; car la beauté d’un homme le désavantage auprès de beaucoup de ses frères. Mais sa joyeuse bonhomie lui gagnait les suffrages de la gent masculine, et sa gaîté spirituelle lui assurait tous les concours féminins ; car Dieu sait si nos sœurs aiment de rire.

Pourquoi ne pas dire qu’il avait fallu à Bertrand Valois tout le prestige de sa gentille renommée, toutes les promesses d’un avenir radieux, pour fléchir la rigide Mme Christiani et obtenir d’elle la main de Colomba ? À lui-même on ne pouvait rien reprocher, sinon d’être né de parents fort modestes ; mais son père n’était qu’un simple pupille de l’Assistance publique, un enfant trouvé, et Mme Christiani, férue d’ancêtres, orgueilleuse de sa généalogie, avait balancé pendant de longs mois avant de donner sa fille à ce garçon qui n’avait recueilli, pour tout héritage des siècles passés, qu’une vieille bague et une vieille canne.

C’étaient les seuls objets qu’on eût découverts, un matin de l’année 1872, auprès du nouveau-né qui vagissait dans une encoignure de la galerie de Valois, au Palais-Royal. D’où le nom de « Valois » que Bertrand portait, à la suite de son père, lequel devait ce vocable particulièrement sonore au hasard du lieu de son abandon et au caprice irréfléchi de l’Assistance. Car enfin « Valois » est un nom historique, et il était peut-être audacieux d’en parer ce marmot inconnu qui pouvait plus tard déshonorer, dans la mesure de sa destinée, le souvenir des Louis XII, des François Ier et des Henri III, dont il était douteux pourtant qu’il descendît.

La bague, en effet, — cette bague d’or émaillée de noir et pourvue d’un pauvre petit brillant, cette bague que Colomba avait désiré porter le jour de ses fiançailles, — n’indiquait pas une origine royale, mais à peine bourgeoise. Et la canne, — une haute canne de jonc, surmontée d’un pommeau d’argent orné de maigres guirlandes, — abondait sur ce point dans le même sens que la bague. Ces deux témoins, offrant l’un et l’autre les caractéristiques du style Louis XVI, figu-