leur prospérité. On dit que le banquier a une très grosse situation.
— On le dit.
Là-dessus, la rêverie fut la plus forte. Charles alluma machinalement une cigarette que Luc venait de lui offrir et s’accouda à l’appui de la fenêtre. Il recula un peu, presque aussitôt, pour éviter le regard de baigneurs qui passaient en levant les yeux vers son apparition. Et il essaya de prendre tout l’intérêt possible aux ébats de nageurs et de nageuses chevauchant des montures saugrenues en caoutchouc gonflé. Ces enfantillages lui firent grand-pitié, vu le deuil de son cœur ; et, détournant son attention de ces jeux balnéaires, il aperçut, dans la vitre du battant de fenêtre ouvert à l’intérieur, l’image obscure de Luc de Certeuil plongé au sein de réflexions si ardues qu’elles ressemblaient fort à des perplexités.
Il ne dit mot et surveilla curieusement, du coin de l’œil, l’attitude du jeune homme. Il le voyait de profil, assis, penché en avant, les coudes sur les cuisses, la tête basse, les mains plaquées l’une contre l’autre, doigt contre doigt, et ces doigts se tambourinant. Il voyait ce profil camus, ce visage sans cesse animé d’une audace avantageuse qui imposait à beaucoup. Et il n’en fut pas très favorablement impressionné.
À quoi diantre ce Certeuil pouvait-il donc songer si ardemment ?
— Plaît-il ? dit Charles, Ah ! j’avais cru que vous vouliez dire quelque chose.
— C’est vrai, j’ai levé la langue, et puis… je ne sais plus si je dois…
— Allez donc, voyons !
— Oui, cela peut être mieux. Nous sommes tous deux, n’est-ce pas, des gens loyaux ? Vous allez partir, je le présume…
— Exactement dans une demi-heure.
— Il est possible que je ne vous rencontre pas avant plusieurs semaines. D’ici là, des bavards pourraient vous rapporter… ce que je préfère décidément vous dire moi-même.
— Cela est bien solennel ! Parlez, mon cher Certeuil.
— Si on vous rapporte que, ici, à Saint-Trojan, et