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le maître de la lumière

la reçut sur sa poitrine, où elle s’abattit en pleurant de bonheur. Elle le serrait si puissamment qu’il en suffoquait.

— Rita ! gronda sans conviction Mme Ortofieri, qui faisait de louables efforts pour retenir ses larmes.

Mais tous les parents du monde s’y seraient mis que rien n’aurait empêché Charles et Rita de joindre enfin leurs lèvres. Ils se seraient embrassés sous le feu de cent mille regards, devant l’humanité tout entière, présente, future et trépassée.

Moitié riant, moitié pleurant, Charles, pour essayer de restaurer la seule gaieté, dit à Bertrand :

— Dommage qu’on n’ait pas songé à la luminite ! Elle est de la famille. Et puis, une plaque, ici, aujourd’hui, c’était bien l’occasion !

— Pour qui me prends-tu ? s’indigna plaisamment Bertrand Valois. Est-ce qu’un auteur dramatique pouvait manquer ce dénouement ? Regarde !

Charles se retourna.

La plaque dite « secondaire » était là, pendue au mur. Vitre prodigieuse, elle avait silencieusement absorbé la lumière de toute la scène, Maintenant, elle gardait pour de longues, longues années, l’image du premier baiser de Charles et de Rita, l’image de la tendre réconciliation des Christiani et des Ortofieri. Et comme Bertrand, adroit metteur en scène, l’avait « feuilletée » ingénieusement, elle montrait, cette plaque, comme à la fenêtre du passé, le vieux corsaire César Christiani, qui, la pipe à la bouche et caressant sur son épaule le perroquet jaune et vert, souriait doucement à ces jeunes amours.


FIN