passé, ce matin ? Pourquoi n’êtes-vous plus fiancé ?
— Bah !… Vous rappelez-vous, mon cher, cette longue conversation que nous eûmes, vous et moi, à Saint-Trojan, l’automne dernier ? N’avez-vous pas remarqué, alors, quand vous m’eûtes confié — imprudemment, d’ailleurs — votre admiration pour Mlle Ortofieri, combien j’hésitai avant de vous confier, moi, que j’étais presque son fiancé ?
— Si fait, je m’en souviens.
— C’est que j’étais fort embarrassé. Je me demandais si, plutôt que de courir la chance d’un mariage incertain, je ne ferais pas mieux de vous vendre tout de suite — et très cher, naturellement — le moyen d’épouser celle que vous aimiez. Vos révélations venaient de m’ouvrir de nouvelles perspectives, moins avantageuses, il est vrai, que ce mariage vers lequel je louvoyais depuis des mois, mais aussi beaucoup plus sûres. Car, hélas ! je craignais qu’au dernier moment mes espérances nuptiales ne se heurtassent à certain butoir, — comme il est arrivé ce matin. Après avoir âprement réfléchi, pesé le pour et le contre (cruelle alternative !), je me suis décidé à tenter le mariage, quitte à retomber sur l’autre solution si le mariage venait à manquer. Il a manqué ; je suis ma ligne de conduite, je retombe sur la négociation de mes papiers. Évidemment, si j’avais su, je vous aurais épargné ces mois d’attente. Vous m’en excuserez ; les affaires sont les affaires, et, après tout, les mœurs actuelles étant ce qu’elles sont, il se pouvait parfaitement que la famille Ortofieri acceptât ce qui, ce matin, les a tous enflammés d’une noble indignation…
— Mais, à la fin, qu’est-ce donc ?
— C’est mon nom, surtout, vous le savez, qui m’avait permis de conquérir la sympathie de M. et Mme Ortofieri, — mon nom et mes titres nobiliaires dont je n’ai, d’ailleurs, jamais fait étalage… Malheureusement, ce nom n’est pas le mien et je n’ai point de titres, ce qui s’est révélé par devant notaire, pas plus tard qu’aujourd’hui. En ces temps où l’on rencontre force gens qui sont reçus partout et portent de faux noms, j’avais espéré que cela passerait… Cela n’a point passé. Ainsi