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le maître de la lumière

apprit que Rita était hors de danger et qu’après une convalescence qui serait longue, elle pourrait reprendre la vie là où elle l’avait laissée.

Tant que la jeune fille avait été en péril, Charles, pour persévérer dans son abnégation, ne s’était pas trouvé aux prises avec son instinct. Ce fut plus difficile quand il sut que Rita reprenait le souffle et les couleurs et qu’après avoir cessé, pendant des semaines, d’être à quiconque, elle allait maintenant rentrer dans le siécle et bientôt même se donner à un autre. C’est la véritablement que commença le sacrifice. Le vœu était exaucé : il fallait payer, en acceptant avec sérénité ce que avenir apporterait.

Il n’apporta rien pendant toute la première moitié de l’année 1930. Rien que la tristesse, entretenue par le fait que toutes choses restaient en suspens et que, par conséquent, l’incertitude n’autorisait ni quelque espoir nouveau qui eût chassé cette tristesse, ni l’abandon total qui l’eût poussée à l’accablement.

Rita, en février, était partie pour la Côte d’Azur afin d’y mener sa convalescence.

Elle en revint à la fin de mai et on reparla de son mariage. Cette fois, Mme Le Tourneur ne jugea pas à propos de se soustraire aux visites de Charles Christiani. Un jour, elle lui déclara, en même temps, que le cœur de Rita n’avait pas changé et que, chez les Ortofieri, on commençait à parler beaucoup de bans à publier et de contrat à établir.

Ce fut à cette circonstance que la cousine Drouet dut l’avantage de recevoir tardivement la visite qu’on lui avait promise plus d’un semestre auparavant.

Charles avait appris, fort malencontreusement, que le banquier Ortofieri venait de convoquer son notaire avec Luc de Cerfeuil et le sien. Il dut faire de grands efforts, ce jour-là, — qui était le 13 juillet, — pour dissimuler et se rappeler ses hautes résolutions. Colomba et Bertrand, installés dans leur bonheur conjugal, lui conseillèrent vivement d’entreprendre un grand voyage. Au moment dont nous parlons, il se trouvait chez eux ; on l’y voyait souvent, car il était en proie au perpétuel besoin de changer de place.