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le maître de la lumière

Le jour n’avait pas acquis toute sa force lorsque Charles descendit dans la rue.

Le silence pesait sur le village mort. Néanmoins, des pas légers firent résonner des marches de bois, dans les profondeurs de l’autre hôtellerie. C’était Rita. Elle avait juré de ne pas perdre une minute des heures qu’elle avait conquises.

À sa vue, Charles sentit s’évanouir un doute que la solitude et la lucidité matinale entretenaient en lui. Quel doute ? Celui-ci. Après tout, il s’était peut-être abusé ; il prenait peut-être ses désirs pour des réalités ; ce bateau, Rita peut-être n’avait aucunement désiré le manquer…

La jeune fille n’eut qu’à surgir dans l’encadrement de la porte et tout redevint très simple et favorable.

Elle était fraîche comme au sortir d’un cabinet de toilette où rien n’eût manqué des raffinements du luxe. Son teint de brune, sans poudre, s’échauffait aux pommettes comme le vermeil reflète l’aurore. Sa chevelure sombre et brillante avait des nuances bleues. L’air, autour d’elle, sentait le matin, parmi le matin.

Mais des persiennes claquèrent au seul étage de la maison. Ébouriffée, les cheveux dans les yeux, lourds encore de sommeil et ses bras blancs levés, Geneviève angoissée, criait :

— Rita !

— Quoi donc ? lui fut-il répondu avec une tranquille et joyeuse ironie.

— Oh ! mon Dieu ! Tu es là ! Je me suis réveillée. Je ne t’ai pas vue près de moi. Alors…

Ils se mirent à rire.

— Allons, descends, dépêche-toi, conseilla Rita. J’ai une idée. Nous allons organiser quelque chose. Tu m’en diras des nouvelles !

Pudique, d’une main relevant ses boucles blondes, de l’autre se voilant le sein, Geneviève, faisant retraite, se lamenta :

— Oui, j’y vais. Quelque chose ? Qu’est-ce que c’est encore ?

Sitôt descendue, elle en eut l’explication. Il s’agissait d’aller déjeuner à cet endroit dont Rita leur avait parlé la veille, à la lisière du bois, face au nord. La journée