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le maître de la lumière

intérêt que d’apercevoir, à travers les âges, un événement dont personne n’avait songé à contester les péripéties principales.

La cousine Drouet parlait volontiers de César. Elle avait un culte pour sa mémoire, sachant bien qu’elle ressemblait au corsaire et qu’il n’avait pas dépendu d’elle-même de mener une vie aventureuse et navale, plutôt que d’être une bourgeoise sédentaire, fille et femme de magistrats.

« César avait-il eu beaucoup d’ennemis ? Le savait-elle ? »

Là-dessus, aucun souvenir. Amélie errait.

On l’avait ramenée de Saint-Sulpice à la rue de Tournon sans trop avoir à la prier. Charles lui fit les honneurs de la luminite. Elle en comprit à moitié la merveille, n’y attacha qu’une importance confuse et se retira en faisant assaut de civilités avec Mme Christiani. Toutes deux paraissaient oublier les nombreuses années pendant lesquelles l’une avait tenu rigueur à l’autre d’une faute hypothétique.

— Quelle agréable douairière ! dit Charles.

— Oui, repartit sa mère. Si elle s’était bien conduite avec Mélanie…

Il en rit. Mais c’était le moment où Bertrand Valois allait emmener sa jeune femme. Ils entrèrent tous deux, en costume de voyage, et si notre historien continua de rire, c’est bien qu’il s’y força.

Avec quelle surprise, avec quel émoi Charles Christiani retrouva-t-il chez la cousine tant d’objets qu’il avait vus dans le cabinet de César, grâce aux effets de la luminite, et qu’il pensait perdus !

Mme Drouet ne logeait pas dans la plus noble partie de la rue de Rivoli. Elle occupait un bel appartement, un peu bas de plafond, au deuxième étage d’un immeuble situé non loin du Châtelet. Elle vivait là depuis plus de vingt ans, avec deux vieilles bonnes, en de vieux meubles, au milieu d’une quantité de souvenirs dont la profusion suffisait à rappeler le caractère de César.