Page:Renard - Le Maitre de la Lumiere, 1948.djvu/246

Cette page a été validée par deux contributeurs.
244
le maître de la lumière

cousine, mais à Napoléon, comme il convenait, puisque Napoléon représentait la branche aînée et qu’en ces matières les mâles ont toujours le pas sur les femmes, attendu que le nom leur est attaché et qu’ils ont charge de le perpétuer. Mais, si maigres que fussent les archives familiales de la cousine Drouet, peut-être contenaient-elles cependant, par hasard, une pièce quelconque qui, on ne sait comment, donnerait une indication sur un certain point capital que rien, jusqu’ici, n’avait éclairé de la moindre lueur, à savoir : César Christiani avait-il eu des ennemis autres que les Ortofieri ? Et, plus précisément : s’était-il attiré la haine d’un homme qui n’était pas Fabius ?

De deux choses l’une : ou l’assassin était Fabius, ou il n’était pas un Ortofieri ; car, en 1835, aucun membre de la famille Ortofieri, autre que Fabius, n’avait l’âge de celui-ci, c’est-à-dire l’âge même de l’homme qu’on avait vu tuer César. Si donc l’assassin n’était pas Fabius, il fallait le chercher soit parmi les partisans des Ortofieri, soit n’importe où, dans le vaste monde.

Dirigé par cette pensée, Charles s’était efforcé de découvrir — surtout dans la correspondance de César — une trace de discussion, de dissentiment, la révélation, même fugace, d’une querelle ou de n’importe quel incident susceptible d’avoir engendré contre César une rancune mortelle. Aucune allusion ne lui avait semblé digne d’être retenue ; La plus précise était trop vague ; ses investigations étaient restées infructueuses sur ce point comme sur les autres. Les papiers de la cousine Drouet seraient-ils plus instructifs que les documents détenus par la branche aînée ? La chose était douteuse, mais il fallait la vérifier, et, comme un peu d’inconnu s’y fortifiait encore, un peu d’espérance s’y réfugiait aussi.

Charles vit la cousine Drouet, pour la première fois de sa vie, le matin même de la cérémonie nuptiale, dans le salon de la rue de Tournon. La vue de cette dame surprenante atténua sensiblement la mélancolie que lui causait l’obligation de participer à une fête de cette nature, alors que tout semblait conspirer à reculer indéfiniment l’avènement de son propre bonheur.

Il s’efforçait de surmonter son affliction et de faire