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à coup sûr, reflétée dans la pupille même de son meurtrier agrandit sur l’écran, par une manœuvre facile, l’image de ces yeux farouches qui fixaient durement ceux de César. Mais, dès que l’agrandissement atteignit l’ampleur qui eût permis de reconnaître, sur le miroir rond de la pupille, la face réduite du vieillard, la projection devint confuse, nuageuse, pâle ; l’agrandissement s’effaça par son propre jeu et Charles dut renoncer sans retard à une espérance qui ne manquait pas d’une certaine beauté audacieuse et singulière.

De guerre lasse, on abandonna le film du meurtre et l’opérateur amateur fit passer d’autres bandes : celles qui avaient été prises antérieurement au 28 juillet 1835 et, entre autres, les scènes dramatiques entre César, Henriette et l’homme à la canne, dont le nom était Tripe.

Ainsi fut reconstitué tout le dialogue de ces altercations qui apparurent alors un peu différentes de l’idée qu’on avait pu s’en faire. Il en ressortait que César n’avait jamais laissé échapper un seul mot qui fût de nature à trahir, auprès d’Henriette, ses profonds sentiments. Il s’opposait aux assiduités de Tripe, « parce que, disait-il, c’était un garçon de rien, sans sou ni maille et qui ne savait que rimer des billevesées » ; mais jamais sa tendresse amoureuse ne s’était exprimée ; il en avait gardé les souffrances pour la solitude et toujours il était resté, aux yeux de la jeune fille, un tuteur tyrannique, violent, mais sans reproche.

— J’aime mieux cela, fit Charles avec un regard vers sa sœur. César était un digne homme, j’en suis content.

— Et Tripe était poète ! dit Colomba. C’est Bertrand qui va être heureux !

— Une noblesse qui en vaut bien d’autres ! Les sourds-muets s’en allèrent, ne laissant pas inconnue la moindre des paroles visibles sur les films.

— Et voilà ! s’exclama Charles. Résultat : zéro. « Vous me reconnaissez, n’est-ce pas, capitaine ? » Qui César a-t-il reconnu ? Il y avait des milliers de gens qui auraient été dans le cas de l’aborder ainsi. Des milliers ! parmi lesquels, c’est certain, Fabius Ortofieri, dont les