Colomba et Charles serrèrent la main aux deux adolescents sourds-muets.
— Veuillez, mademoiselle, leur dire quelque chose, et vous verrez avec quelle facilité ils vous comprendront.
Légèrement troublée, Colomba sourit et articula :
— Bonjour, messieurs, soyez les bienvenus.
Le professeur, au lieu de parler par gestes, se plaça devant ses élèves qui ne cessaient de regarder, avec une sorte de vigilance aiguë, les lèvres des personnes présentes.
— Répétez ce que mademoiselle vient de dire. Vous d’abord, Emmanuel. Ensuite, vous, Martial.
Il s’était exprimé sans hâte, sans force vocale, tout bas, mais en décomposant quelque peu les mouvements de la bouche, par habitude professionnelle. Colomba était loin d’en avoir fait autant ; néanmoins, le jeune Emmanuel, tout « muet » qu’il était, prit la parole à son tour, — d’un ton, il est vrai, péniblement rauque, métallique et qui faisait penser à la voix artificielle d’un automate. Les syllabes, détachées, bourdonnaient inhumainement, sans aucune intonation.
— Mad-moi-selle a dit : « Bond-jour, mes-sieurs, soy-ez les bien-ve-nus. »
Et Martial, d’une voix identique, répéta la même phrase.
— C’est merveilleux, dit Colomba.
Mais cette émission de sons purement mécanique semblait coûter certains efforts aux deux infirmes et les fatiguer. Ils employaient plus couramment avec leur maître le langage silencieux des mains et des doigts.
Charles avait fermé sur la baie le rideau noir. L’exploration du passé allait se poursuivre par un nouveau moyen.
L’écran s’éclaira. Les rouages du projecteur cinématographique se mirent en branle avec leur cliquetis de petite usine. Le cabinet de César apparut. Le vieux corsaire, accoudé à la fenêtre, regardait le colonel Rieussec qui, saluant de l’épée, venait se placer à la droite du roi Louis-Philippe.
Pour obtenir le maximum de netteté, Charles faisait