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figies imparfaites et diverses, on n’arrivait à conclure ni dans un sens ni dans l’autre. Et la question se posait de savoir ce que le policier Cartoux aurait dit, pour peu qu’on l’eût mis en présence des photographies si précises de l’assassin, en admettant, d’ailleurs, que l’assassin fût bien l’homme qu’il avait vu rôder sur le boulevard, — cet homme qu’il n’avait fait, somme toute qu’entrevoir. Devant la précision des photographies, Cartoux aurait-il persisté à soutenir que Fabius et ce personnage se confondaient ?

Un seul s’était fait une idée bien arrêtée : Luc de Certeuil. Il persévérait dans son opinion première. Selon lui — mais était-il sincère ? — l’évidence était incontestable. Fabius et le meurtrier ne faisaient qu’un.

On l’amena pourtant à se montrer moins affirmatif. Charles consulta des spécialistes de l’anthropométrie. Ils renoncèrent à se prononcer, à cause des divergences considérables qui séparaient les différents portraits de Fabius. Le rapport de ces experts ébranla la religion de Luc. Ou plutôt, devant une assertion aussi qualifiée, il n’osa plus soutenir avec tant d’opiniâtreté qu’on ne pouvait hésiter à reconnaître Fabius Ortofieri dans l’individu bien campé, grand, haut en couleur, décoré de Juillet, qui, maintenant sur l’écran du cinéma, tuait et retuait vingt fois par jour l’infortuné César Christiani, enjambait son corps inerte, courait à la fenêtre, restait hébété durant quelques secondes à regarder l’effet de la machine infernale, à tripoter stupidement la longue-vue et s’enfuyait à toutes jambes.

Il y avait, dans ce terrible drame si bref, un moment qui intriguait tout particulièrement Charles et tous ceux que passionnait l’énigme de ce film policier. C’était — on l’a déjà compris — le moment où l’assassin, dressé en face de son adversaire sans défense, lui avait adressé quelques mots, d’un air cassant, impérieux…

Qu’avait-il dit, alors ? Quelle insulte, quel rappel, quelle sentence inflexible avait-il prononcés ?

La phrase, sans nul doute, était sortie nettement de sa bouche, articulée avec force. L’absence de moustaches permettait de voir admirablement remuer les lèvres. Mais, hélas ! tout ce qu’on pouvait affirmer, c’est