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le maître de la lumière

était libre ; on y mettrait une couchette supplémentaire et les jeunes femmes, ainsi, passeraient une nuit supportable. Quant à Charles, il devrait se contenter, dans l’autre établissement, d’un canapé auquel des couvertures seraient adjointes. La saison balnéaire n’était pas close et les habitués de l’île profitent, jusqu’au bout, du repos qu’ils y trouvent.

Mme Le Tourneur parut satisfaite d’un arrangement qui séparerait, sous des toits différents, le sommeil de Rita d’avec celui de Charles. Rassurée sur ce point et se conformant peut-être aux instructions qu’elle venait de recevoir, elle se déclara un peu lasse, disposée à s’étendre sur un lit jusqu’au dîner…

Ses compagnons d’infortune repartirent, enfin seuls, et dénichèrent sans tarder, non loin du village, une banquette de gazon qui avait l’air de les attendre, sous de beaux arbres. De là, entre les terre-pleins buissonneux d’une embrasure d’artillerie, on découvrait un pan de mer en forme de trapèze. Le soir commençait à venir. Le soleil baissait dans un ciel empourpré, de plus en plus ardent…

Et, de plus en plus, à mesure qu’ils causaient, le cœur de Charles s’embrasait. Et, de plus en plus, il savourait le ravissement de la merveilleuse aventure pimentée d’un mystère que Rita s’appliquait à entretenir.

Qui était-elle ? Au fond, cela n’avait pas d’importance, puisqu’ils se plaisaient mutuellement, puisqu’elle montrait une éducation sans défaut et un esprit élevé. Aussi, Charles accepta-t-il docilement le jeu piquant du secret et ne fit-il rien pour violer l’incognito de sa compagne.

L’atmosphère qui se dégageait d’un pareil accord exhalait un parfum spécial, curieux, amusant : celui des intrigues et des contes. Chassant de nouveau le mot « romanesque » qui revenait pourtant se proposer avec une insistance significative, Charles pensa qu’on voulait l’éprouver, s’assurer de sa conscience et de ses sentiments, acquérir la certitude qu’on était aimée pour soi-même, en dehors de toute considération étrangère à l’être, à l’âme et au cœur.

Était-elle, par exemple, très pauvre ? Tout le démen-