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le maître de la lumière

tain. Alors il avalera vivement un verre d’eau-de-vie… Ah ! voici le mouvement de troupes dont parle Maxime du Camp dans son livre.

Les troupes, en effet, appuyaient vers la droite du tableau. D’autres prenaient leur place.

— Maintenant, compléta Colas-Dunormand, c’est le 2e bataillon de la 8e légion qui est devant nous… Colonel Rieussec, qui va être tué. Regardez-le.

Il était midi moins dix.

La batterie de tambours d’un régiment de ligne prit position de l’autre côté de la voie, en face de la fenêtre. Les tapins tenaient leurs baguettes, dégainées de leurs logements. En avant, le tambour-major s’appuyait sur sa canne ornée de tresses tricolores.

Le colonel Rieussec fit ranger son cheval, de l’éperon, et mit pied à terre. À travers les feuillages s’allongeaient les deux haies de shakos à pompon rouge, des pantalons blancs, des buffleteries blanches croisées, des boutons de métal blanc, piqués sur le bleu sombre des longues tuniques ; les traits de lumière des baïonnettes hachaient l’ombre.

Soudain, les troupiers étant au repos, il se fit, dans l’ensemble de la foule, un vaste frissonnement d’orientation vers la gauche. Les têtes se tournaient, les bustes se penchaient. Les soldats et les gardes nationaux eux-mêmes tendaient le cou, lorsque les officiers rectifièrent l’alignement. Le colonel Rieussec, étant remonté à cheval vivement, leva son épée. Ses hommes s’immobilisèrent. En face, les lignards, d’une secousse, furent au garde à vous.

César se pencha et regarda vers la gauche, comme tout le monde.

Dans l’atelier, la voix de Bertrand s’éleva sur le ronflement des cinq caméras :

— Il doit y avoir un formidable roulement de tambours. Regardez, dans vos lorgnettes, ce verre de cristal posé sur le dessus du bureau : il vibre.

Charles, à ce moment, se plaça bien à gauche de la plaque, pour voir en plein les deux portes du cabinet, puisque l’une d’elles allait livrer passage, certainement, à l’assassin de César.