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le maître de la lumière

antérieurement se rendre compte des propriétés de la luminite, il n’y avait donc plus aucune explication à leur donner. Ils savaient même ce qu’étaient ces ombres de chiffres qu’on voyait dans un coin de la plaque et qui rappelaient d’une manière indélébile le stratagème employé par César pour la travestir en ardoise à écrire.

Plus d’un s’était muni, outre sa jumelle, d’un appareil photographique.

Est-il besoin de dire que tous ces importants spectateurs s’intéressaient surtout à l’attentat de Fieschi, et que, sans le manifester, ils mettaient au second plan la tragédie obscure du meurtre de César Christiani ?

Quelqu’un demanda qu’on éteignît le lustre de l’atelier, pour mieux voir encore, dans le cabinet du corsaire, grandir l’aube du 28 juillet 1835. Un autre proposa que Colas-Dunormand, ou Charles Christiani, commentât brièvement les premières lueurs de ce jour qui devait inscrire sa date dans l’Histoire.

Charles se récusa, voulant se confiner dans le rôle d’observateur. Mais Colas-Dunormand s’exécuta de bonne grâce et commença par regretter que les persiennes du cabinet de César fussent fermées.

— Car, disait-il, si elles étaient ouvertes, nous pourrions sans doute apercevoir quelque chose de Fieschi. Il s’est levé au point du jour après une très mauvaise nuit. Il va sortir, à cinq heures, assez désemparé, hésitant. Il ira chez un de ses compatriotes, le nommé Sorba…

Il cessa de parler tout à coup et l’assistance laissa monter une brève rumeur faite de petites exclamations : César entrait dans son cabinet par la porte du salon. Il traversa la pièce, alla jusqu’à la fenêtre et l’ouvrit ainsi que les persiennes.

On vit le vieil homme, vêtu d’une robe de chambre et chaussé de pantoufles, s’accouder à la barre d’appui, pour regarder le boulevard.

C’était le début d’une splendide matinée. Aux fenêtres des maisons d’en face, une multitude de drapeaux tricolores recevaient, venant de la droite, une lumière déjà vive. On remarqua que leur bleu et rouge étaient plus clairs que de nos temps.

Les quatre rangées d’ormes avaient de beaux feuil-