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loin, et celle-ci consignait, pour les transmettre à Rita, les communications de l’historien.

Il savait que Mlle Ortofieri passerait chez son amie toute la journée du 15 novembre et il frissonnait d’avance en pensant au coup de téléphone qu’il aurait à donner à Mme Le Tourneur, un peu après onze heures du matin.

C’était, en effet, à midi que César avait été tué, le 28 juillet 1835, puisque l’attentat de Fieschi, simultané, s’était produit à cet instant. Mais on avait noté un certain décalage horaire entre le temps présent et le temps tel que la plaque de luminite le déroulait alors. Pour le moment, compte tenu des modifications apportées depuis 1835 à l’heure française officielle, la plaque avançait d’environ soixante minutes sur le soleil de 1929. Comme tous les jours, l’horloge de César marquerait donc midi lorsque onze heures sonneraient aux pendules de la rue de Tournon et à l’église Saint-Sulpice.

Le 14 novembre au soir, Charles Christiani, à peu près sûr de n’avoir rien oublié, ne déplorait qu’une chose. C’était que la cousine Drouet ne fût pas en état de venir s’asseoir dans le bon fauteuil qu’on lui eût réservé devant la plaque de luminite, à l’heure de la double tragédie. Il avait, à force d’arguments et d’obstination, décidé sa mère à faire une démarche auprès de la veille dame, estimant que, en dépit de toute prévention plus ou moins gratuite, la place de l’arrière-petite-fille de César, seule et dernière représentante de la branche-cadette, était, en une telle occasion, au milieu des autres membres de la famille. Au demeurant, s’il n’avait jamais cru que la cousine Drouet se fût « mal conduite avec Mélanie », il s’était dit que l’héritière de l’ancêtre détenait peut-être bien des documents de valeur et que, par conséquent, lui marquer de la déférence c’était joindre le juste à l’utile et faire une action aussi judicieuse que recommandable. Mme Christiani lui avait cédé, au bout d’un certain temps, vaincue finalement par l’esprit de race et de famille, qu’elle mettait si haut dans l’échelle des bons sentiments, et se disant par ailleurs que, puisqu’elle serait bientôt dans l’obligation d’inviter la cousine au mariage de Colomba, autant valait la revoir tout de suite. Aussi, accompagnée de sa fille, Mme Christiani