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le maître de la lumière

avoir chargé de poudre, de balles et de mitraille la machine infernale.

Ces constatations, ce ne fut pas Charles qui les fit. Pour éviter les regrettables conséquences d’un dédoublement de l’attention, il s’était assigné la tâche particulière de suivre l’affaire César, avec la collaboration de Bertrand et de Colomba. Et l’affaire Fieschi, il en avait laissé le soin à un historien de grande valeur, M. Colas-Dunormand, qui, nul ne l’ignore, s’est spécialisé lui aussi dans l’étude de la Restauration et du règne de Louis-Philippe. Colas-Dunormand (ou l’un de ses propres collaborateurs) ne quittait l’atelier que fort avant dans la nuit, pour y revenir dès l’aube, et, chaque fois qu’un fait notable se produisait touchant Fieschi, il ne manquait pas d’en informer Charles qui accourait, ou, s’il était là, se faisait attentif.

On le voit, c’était, dans l’atelier de la rue de Tournon et dans l’appartement de Mme Christiani, une effervescence qui ne cessait que pendant la nuit, pour faire place, alors, à une observation moins intense, mais qui, cependant, ne se relâchait jamais.

Luc de Certeuil y prenait part avec une réserve qui, à vrai dire, s’imposait, mais dont Charles lui savait néanmoins, sachant que la nature du personnage ne l’y poussait pas.

Une consigne des plus sévères arrêtait à la porte de l’appartement les curieux que la concierge n’avait pu décourager. Certains, d’ailleurs, ne pouvaient être évincés ; c’étaient des personnalités trop considérables pour qu’on se permît de leur refuser l’approche de la luminite, le spectacle du prologue de l’attentat de Fieschi et du meurtre de César.

Dans les dernières journées, alors qu’on avait déjà disposé autour de la plaque les quatre caméras différemment braquées, il y eut continuellement dans l’atelier une douzaine de gêneurs puissamment captivés, qui, plus ou moins à l’écart et au nom de la science, de l’art, du journalisme ou d’une curiosité soi-disant élevée, écarquillaient les yeux devant ce tableau, dressé sur son chevalet, où le ciel de l’été de 1835 éclairait une chambre et un boulevard d’autrefois, tandis que cinq appareils