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le maître de la lumière

Au reste, Luc de Certeuil avait des soucis plus personnels et s’il s’égaya en compagnie des trois autres, il n’en ressentait pas le besoin plus qu’eux-mêmes. Comme eux, mais pour un autre motif qui ne leur était pas inconnu, Luc feignait une aimable indifférence.

Comment n’eût-il pas été légèrement inquiet ? L’apparition de l’homme à la canne jetait dans l’aventure du meurtre de César un élément inopiné, et l’on n’apercevait jusqu’ici aucun rapport entre cet élément et Fabius Ortofieri. Cela paraissait profiter à la cause de son innocence. C’était peut-être bien l’homme à la canne qui avait tué César. Et voilà qui ne faisait nullement l’affaire de Luc de Certeuil. Pour lui, pour sa réussite, il fallait que l’aïeul de Rita eût assassiné l’aïeul de Charles. Voir, si peu que ce fût, diminuer ses chances, c’était une déconvenue qui le laissait rêveur derrière son sourire.

La porte du cabinet s’était refermée doucement. L’étranger avait disparu. De nouveau, c’était le logis de César, le vide et un silence relatif qu’on se figurait sans peine, où le roulement des voitures sur le pavé faisait une basse continuelle, percée par les petits cris des oiseaux de la volière.»

Fieschi et Nina Lassave avaient quitté leur fenêtre, sur laquelle la jalousie bientôt historique était baissée contre le soleil.

Charles Christiani fit stopper l’entraînement électrique de la caméra. Elle cessa de ronfler. Le silence s’établit aussi sur le présent, certainement plus complet que sur le passé.

Une demi-heure s’écoula, longue pour tous. Chacun ruminait des pensées pénibles. La présence de Luc n’était pas plus agréable maintenant qu’au début ; à Charles, elle continuait d’être parfaitement odieuse. Luc, pour sa part, songeait à ce qu’on sait ; Bertrand et Colomba songeaient à ce qu’on devine.

Les idées de Mme Christiani, en effet, leur étaient familières. Jamais, de son vivant, le petit-fils du meurtrier de César n’entrerait dans la famille Christiani. Et voilà que, par un caprice inouï du destin, Bertrand Valois était menacé d’être le descendant de cet assassin ! Car