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le maître de la lumière

— Je ne ris pas ! déclara sèchement sa mère.

— Je vous en prie, dit Charles d’une voix profonde. Vous êtes beaucoup trop bonne et trop juste pour vous opposer à qui que ce soit, du moment qu’il s’agit de la vérité. Nous devons faire ici tout notre devoir.

— Ce n’est pas toi qui m’apprendras le mien !

— Vous me causeriez une peine infinie si vous n’approuviez pas tout ce que j’ai l’intention de faire.

Mme Christiani se tut. Dans l’excès de son mécontentement, elle avait tourné le dos à son fils et regardait par la fenêtre le fond du jardin qui se creusait devant elle.

La dernière phrase de Charles, le ton qu’il avait mis à la prononcer suscita en elle une sorte d’alerte dont elle ne laissa rien voir. Mais sans doute ce saisissement était-il difficile à cacher, car elle prolongea sa station devant la fenêtre.

Son silence, pourtant, encouragea le jeune homme, qui reprit :

— Si vous m’aimez, avez confiance en moi. Allez ! Je ne ferai rien de contraire à notre dignité. Mais une œuvre de justice peut-elle jamais cesser d’être noble ?

Il s’était promis de ne la convaincre qu’à l’aide d’arguments généraux et de ne pas sortir de la question de justice. Il ne doutait pas que sa mère n’eût cédé sur tous les points si elle avait su que le bonheur de son enfant était en jeu, à présent qu’on lui faisait envisager si étonnamment l’innocence de Fabius Ortofieri. Mais Charles prévoyait le cas où la culpabilité de Fabius serait confirmée, le cas où, par conséquent, Rita demeurerait pour lui un impossible rêve. Et, voulant épargner à Mme Christiani le grand chagrin de savoir son Charles malheureux, il eût tout fait, plutôt que de lui avouer son amour.

Mme Christiani, sans se hâter, fit face. Elle s’était livrée, dans le secret de son âme, à des remarques, des réflexions, des recoupements qui avaient affermi sa soudaine et première supposition. Il vit tout de suite qu’il avait gain de cause. Non pas que le dur visage sombre accusât la moindre dé-