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le maître de la lumière

lille, se présenta au poste de police du Château-d’Eau, accompagnée d’un sieur Tripe. Devant le commissaire de police Dyonnet — celui-là même qui, quatre heures auparavant, avait enfermé dans son « violon » Fieschi ensanglanté, presque mourant — Henriette Delille s’expliqua.

« En rentrant tout à l’heure à la maison, dit-elle à peu près, j’ai trouvé, étendu et baignant dans son sang, le cadavre de mon tuteur, M. César Christiani. Aussitôt je suis sortie sur le palier, pour appeler à l’aide. Ce monsieur, qui s’appelle Tripe, m’a entendue. Il est accouru et m’a assuré qu’en effet mon tuteur était mort et que la seule chose à faire était de prévenir la police. Je l’ai prié de venir avec moi jusqu’ici.

« Immédiatement, le commissaire Dyonnet se rendit sur les lieux avec un sergent de ville et M. Joly, chef de la police municipale, qui se trouvait au poste pour veiller à certaines suites de l’attentat et de l’arrestation de Fieschi. Ces fonctionnaires, parvenus au premier étage du numéro 53, boulevard du Temple, ne doutèrent pas que César Christiani n’eût été touché par une balle de la machine. La température du corps, déjà froid, sa rigidité, indiquaient que la mort s’était produite vers midi. La nature de la blessure révélait qu’une balle l’avait faite. La fenêtre ouverte plaidait également en faveur de la thèse qui, logiquement, s’imposait au premier abord : César, victime additionnelle de la machine infernale. Il est vrai que le cadavre était orienté la tête vers la fenêtre, les pieds vers la porte d’entrée, et qu’il gisait sur le dos, — présentation qui semblait contredire la conjecture d’une balle ou d’un éclat de mitraille ayant frappé César Christiani après avoir ou non ricoché sur le pavé du boulevard. Le projectile avait atteint le vieillard par devant, en pleine poitrine, et si César, foudroyé, était tombé à la renverse, il devait sembler évident qu’on avait tiré sur lui d’un point opposé à la fenêtre. M. Dyonnet et son supérieur, M. Joly, ne s’arrêtèrent pas, sur le moment, à cette considération, et nous aurions tous raisonné comme eux. En effet, rien n’était plus simple que de supposer ceci : César debout, au centre de la petite chambre, fait face à la fenêtre, s’en approche sans doute