Page:Renard - Le Maitre de la Lumiere, 1948.djvu/149

Cette page a été validée par deux contributeurs.
147
le maître de la lumière

toute la blancheur du décor, le point rouge, flambant comme un morceau de vitrail, que faisait ce béret frappé par le couchant. Ses yeux absents, n’étaient pas d’un homme qui voit.

Le calme du soir était profond. On n’entendait que des voix confuses et intermittentes, dans le voisinage, et les saccades sèches du manipulateur télégraphique.

— Je suis à vous, monsieur ! dit la receveuse.

Elle piqua sur une longue aiguille la feuille du texte et se hâta vers le guichet.

— Monsieur !… Monsieur !…

— Ah ! oui, voilà ! Tenez : deux lettres et deux « formules »…

Il avait l’air intensément absorbé. Son œil droit, la paupière plissée, — deux sillons inégaux creusés dans ses joues, — sa bouche crispée d’un seul côté lui faisaient une assez vilaine figure.

— Trois francs, monsieur… Monsieur : trois francs.

— Ah ! pardon, mademoiselle. J’étais distrait. J’étais distrait parce que je pensais à une réforme dont la nécessité vient de m’apparaître. Une réforme dans le fonctionnement de vos services.

— Vraiment ?

La jeune fille, en encaissant la recette, eut pour lui une œillade bienveillante, voire attendrie de ferveur. On le connaissait pour un sportsman intrépide et des télégrammes avaient été passés, informant de sa récente victoire les journaux de Paris et de la région.

— On m’a dit, reprit-il, que rien n’était plus aisé que de lire, au son, un télégramme. Est-il vrai qu’en écoutant le bruit d’un appareil on puisse, avec l’habitude, prendre connaissance des mots qu’il frappe ?

— C’est aussi facile que de les transmettre, monsieur.

— Et pourtant, mademoiselle, pourtant, vous n’avez pas le droit, vous fonctionnaire, de communiquer au premier venu le texte d’une dépêche qu’un citoyen vous a confié ?

— Oh ! non !

— Alors, alors, pourquoi l’administration des P. T. T. tolère-t-elle que des télégrammes soient transmis à grand renfort de cliquetis, mademoiselle, dans une salle pu-