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la maître de la lumière

laient d’ailleurs librement, et point n’était besoin de prêter l’oreille pour entendre ce qu’elles disaient. La jeune femme blonde, d’un blond très pâle, faisait, à elle seule, presque tous les frais de la conversation. Sa voix faible et languissante était infatigable. Charles en jugeait énervantes les molles inflexions. Quant à la jeune fille brune, elle se bornait à répliquer sobrement, lorsque cela était motivé par des : « Tu ne trouves pas ? » « Dis, Rita ? » qui la forçaient à répondre, sous peine d’incivilité. Elle le faisait alors avec calme, d’une voix grave et profonde, musicale.

Donc, elle s’appelait Rita. Et son amie : Geneviève. Rien ne venait apprendre à Charles leurs noms de famille ; mais, à la façon dont elles s’entretenaient de La Rochelle, il lui fut facile de comprendre qu’elles venaient d’y passer quarante-huit heures pour visiter la ville. Puis certaines phrases lui révélèrent qu’après cette excursion instructive on regagnait Oléron où l’on villégiaturait depuis quelques temps déjà. Il fut question de matches de tennis. Le mot « Saint-Trojan » revint plusieurs fois : c’était là qu’on rentrait, là qu’on séjournait. Il fut parlé, du côté blond, de « mon oncle, mes cousins, mon frère » ; du côté brun, de « ma mère, mes parents ». Des noms passèrent, familiers, celui-ci entre autres : Luc de Certeuil.

Singulièrement satisfait, comme toutes les fois qu’un homme constate en sa faveur la connivence du hasard, Charles Christiani pensa se présenter lui-même et tout de suite. Il lui parut décent, toutefois, de patienter encore et d’attendre l’occasion quelconque qui ne manquerait pas de lui en fournir un prétexte à peu près admissible. Ce prétexte, il s’arrangerait, au besoin, pour le faire naître.

Mais le hasard continua de lui être favorable, — si étrangement favorable même que le jeune homme en conçut la merveilleuse assurance d’une main providentielle dirigeant les événements au mieux de ses désirs et de son bonheur.

La conversation de Mlle Geneviève X… et de Mlle Rita Z… se ralentissait. Épuisé le premier élan, les devis s’espaçaient, d’autant plus aisément que Rita n’avait